
Finance
L’actualité au Sénégal en 2025 est dominée par une mesure présidentielle majeure : la création d’un fonds souverain destiné à gérer les revenus issus du pétrole et du gaz du champ de Sangomar, opérationnel depuis juin 2024. Cette annonce faite par le président Bassirou Diomaye Faye a suscité de vifs débats, alimentés par un rapport de la Cour des comptes révélant des irrégularités financières sous le précédent gouvernement (2019-2024). Avec une dette publique atteignant près de 100 % du PIB et un déficit budgétaire de 12,3 %, selon la Cour, cette initiative vise à renforcer la transparence tout en finançant des projets de développement durable. Cet article revient sur les origines, les enjeux et les réactions entourant cette décision, ainsi que son influence sur l’économie sénégalaise.
Contexte de la décision
La création du fonds souverain intervient dans un contexte économique et politique tendu, marqué par des révélations sur la gestion passée des finances publiques.
Révélations de la Cour des comptes
En février 2025, la Cour des comptes a publié un rapport critique sur la gestion financière entre 2019 et 2023, pointant une dette publique plus élevée que précédemment annoncée, passant de 74,4 % à près de 99,7 % du PIB, et un déficit budgétaire revu à 12,3 %. Parmi les anomalies, des emprunts non déclarés représentant 25,3 points de PIB ont été mis en lumière. Ces découvertes ont érodé la confiance des investisseurs et partenaires, conduisant le FMI à suspendre ses discussions pour un nouveau programme d’aide en mars 2025. Face à cette situation, le président Faye a proposé la création d’un fonds souverain pour assurer une gestion transparente des revenus pétroliers, estimés à 950 millions USD en 2024 par la Banque mondiale.
Pressions économiques et sociales
Le Sénégal prévoit une croissance de 9,7 % en 2025 selon la Banque mondiale, et mise sur ses ressources pétrolières pour diminuer sa dépendance aux financements extérieurs, qui représentent 77,1 % des investissements publics pour 2026-2028. Toutefois, la pression sociale est forte, notamment des jeunes, qui composent 60 % de la population et réclament des emplois et une meilleure redistribution des richesses. Un post X de @SeneEconomie en juin 2025 soulignait ces attentes. La décision présidentielle entend répondre à ces enjeux en réservant 30 % des revenus pétroliers à des projets sociaux, notamment dans l’éducation et la santé.
Objectifs du fonds souverain
Baptisé « Fonds Avenir Sénégal », ce mécanisme vise à convertir les revenus pétroliers en investissements durables tout en rétablissant la confiance des citoyens et des partenaires internationaux.
Gestion transparente des revenus pétroliers
S’inspirant du modèle norvégien, le Fonds Avenir Sénégal centralisera les recettes du champ de Sangomar, exploité par Woodside, pour financer des infrastructures et des programmes sociaux. Le ministre des Finances, Cheikh Diba, a assuré en février 2025 que le fonds fera l’objet d’audits indépendants et sera étroitement contrôlé par la Cour des comptes, afin de répondre aux critiques relatives aux irrégularités passées. Cette transparence vise à rassurer les investisseurs, après la dégradation de la note souveraine du Sénégal par Moody’s et S&P.
Investissements dans des secteurs stratégiques
Le fonds consacrera 40 % de ses ressources à des domaines clés comme les énergies renouvelables et l’agriculture, conformément au Plan Sénégal Émergent (PSE). Des projets solaires tels que celui de Diass (50 MW, financé par Proparco) pourraient ainsi bénéficier d’un soutien accru pour atteindre les objectifs climatiques nationaux. Par ailleurs, 20 % des fonds seront dédiés à l’innovation numérique, renforçant des initiatives comme Sénégal Numérique, qui prévoit l’installation de 4 500 km de fibre optique pour améliorer la connectivité en zones rurales.
Réactions et débats
La création du fonds souverain a suscité des opinions divergentes, révélant les tensions politiques et économiques au Sénégal.
Soutien des milieux d’affaires
Les investisseurs, réunis par l’Apix lors d’une rencontre avec le Medef en février 2025, ont salué la création du fonds comme un signe positif de bonne gouvernance. Invictus Capital & Finance, qui a levé 405 milliards FCFA en 14 jours lors d’un emprunt obligataire en mars 2025, voit dans ce fonds une opportunité de structurer des financements innovants, tels que les « diaspora bonds » prévus dans la loi de finances 2025. Ces obligations, ciblant la diaspora sénégalaise, pourraient mobiliser jusqu’à 100 millions USD par an, selon l’économiste Mamadou Lamine Ba.
Critiques de l’opposition et de la société civile
L’opposition, notamment l’APR de Macky Sall, remet en cause la légitimité du fonds, arguant que le rapport de la Cour des comptes a été politisé pour discréditer l’ancien régime. Aïssata Tall Sall, ancienne ministre, a dénoncé un « manque de clarté juridique » entourant la création du fonds. Par ailleurs, des mouvements citoyens comme le Frapp de Guy Marius Sagna critiquent la dépendance aux revenus pétroliers et appellent à une réforme fiscale interne pour réduire le déficit de 2 725 milliards FCFA prévu pour 2026-2028. Un post X de @DakarDebate en avril 2025 a mis en avant le risque d’une « malédiction des ressources ».
Défis à relever
Malgré ses ambitions, le fonds souverain doit surmonter des obstacles importants, tant sur le plan structurel que politique.
Gestion de la dette publique
Avec une dette publique frôlant les 100 % du PIB, le Sénégal doit concilier les investissements du fonds avec le remboursement des intérêts, estimés à près de 4 000 milliards FCFA pour 2026-2028. Le FMI a souligné, lors de sa mission de mars 2025, la nécessité de réformes structurelles pour réduire les déficits budgétaires, conditionnant ainsi la reprise du dialogue pour un programme d’aide. Une gestion prudente du fonds sera essentielle pour éviter un endettement excessif.
Participation citoyenne
La transparence annoncée doit s’accompagner d’une réelle implication des citoyens. Le ministre Cheikh Diba a proposé des consultations publiques, sur le modèle du Débat d’Orientation Budgétaire de juin 2025, afin d’intégrer la société civile dans la gouvernance du fonds. Toutefois, la faible littératie financière, notamment en zones rurales, limite cette participation, comme le relevait un rapport de la BCEAO en 2024.
Perspectives pour l’avenir
Le Fonds Avenir Sénégal pourrait redessiner l’avenir économique du pays, à condition de relever les défis actuels.
Renforcer la confiance internationale
En alignant ses pratiques sur les standards internationaux, tels que ceux du FMI et du fonds norvégien, le Sénégal peut regagner la confiance des bailleurs de fonds, un enjeu majeur après la dégradation de sa note souveraine. La visite du FMI en mars 2025 a rappelé l’urgence de réformes pour accompagner cette initiative.
Diversification économique
Le fonds pourra accélérer la diversification économique en soutenant des secteurs comme la fintech ou l’agriculture intelligente, afin de réduire la dépendance aux ressources pétrolières. Des programmes comme Choose Africa, qui a investi 7 millions USD dans les start-ups sénégalaises en 2024, illustrent ce potentiel.
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Une ambition audacieuse
La décision présidentielle de créer un fonds souverain marque un tournant dans la gestion des ressources pétrolières du Sénégal. En répondant aux attentes de transparence et en surmontant les défis liés à la dette et à la gouvernance, ce mécanisme pourrait consolider la position du pays comme hub économique régional, avec des retombées durables pour sa croissance.